Travailleur détaché en France employé au Portugal en vertu de l’accord de mobilité CPLP avec un contrat de travail intérimaire
À l’heure de la mondialisation des échanges commerciaux, de l’internationalisation des entreprises et de la mobilité des travailleurs, de nombreux doutes se posent, avec un cadre juridique prolifique, dispersé, en constante évolution et générateur d’insécurité juridique, qui bloque l’utilisation des instruments juridiques existants.
Si, d’une part, des normes juridiques sont mises en place en vue de la simplification et de la rapidité – comme c’est le cas des visas CPLP – d’autre part, la réglementation insuffisante et la nécessité d’une harmonisation des législations de différents pays, mettent les entreprises et les travailleurs devant de sérieux doutes et difficultés dans la mise en œuvre pratique de ces instruments.
La possibilité de détacher dans les pays de l’UE des travailleurs qui se trouvent au Portugal en vertu de l’accord de mobilité CPLP n’a manifestement pas été mise en balance lors de sa création. Par ailleurs, sa mise en œuvre récente ne permet pas de recourir à l’aide de décisions jurisprudentielles, encore inexistantes.
Des doutes ont été soulevés auprès du French Desk de notre cabinet Vellozo Ferreira, quant au détachement spécifique en France de travailleurs de pays tiers se trouvant employé au Portugal en vertu de l’accord de mobilité CPLP, avec contrat de travail temporaire.
LÉGISLATION ET NORMES APPLICABLES
Le détachement de travailleurs est actuellement consacré dans le Code du travail et dans la loi nº 29/2017 du 30 mai, sans préjudice des dispositions prévues dans la réglementation collective du travail.
En ce qui concerne la mobilité des travailleurs au sein de l’espace CPLP et de l’UE, nous disposons aujourd’hui d’un cadre juridique visant à faciliter les choses en garantissant les droits et les devoirs des employeurs et des employés, comme notamment :
- Règlement (UE) nº 2016/399 du 9 mars 2016 établissant le code de l’Union relatif au régime de passage des personnes aux frontières (code frontières Schengen)
- Résolution de l’Assemblée de la République nº 313/2021 du 9 décembre 2021 approuvant l’accord sur la mobilité entre les États membres de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), signé à Luanda le 17 juillet 2021
- Ordonnance nº 97/2023 du 28 février 2023 approuvant le modèle de titre administratif de séjour dans le cadre de l’accord sur la mobilité entre les États membres de la Communauté des pays de langue portugaise.
- Règlement (CE) nº 1030/2002 du 13 juin 2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers.
- Règlement (CE) nº 1683/95 du 29 mai 1995 établissant un modèle type de visa
- Directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services.
- Loi nº 29/2017 du 30 mai 2017 transposant la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative au détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services.
- Loi 23/2007 du 4 juillet 2007 approuvant le régime juridique d’entrée, de séjour, de sortie et d’éloignement des étrangers du territoire national.
- Loi nº 18/2022 du 25 août 2022 modifiant le régime juridique d’entrée, de séjour, de sortie et d’éloignement des étrangers du territoire national.
Concrètement, le visa CPLP est une modalité spécifique de titre de séjour sur le territoire portugais, créé à la suite de l’accord sur la mobilité entre les États membres de la Communauté des pays de langue portugaise, signé à Luanda le 17 juillet 2021.
Le demandeur couvert par l’accord CPLP, titulaire d’un visa de court séjour ou ayant une entrée légale sur le territoire national, peut demander un titre de séjour temporaire au Portugal, supérieur à 90 jours et inférieur à 1 an, renouvelable pour la même période.
Une entreprise portugaise qui souhaite détacher des travailleurs se trouvant au Portugal, titulaires d’un visa CPLP, devra s’assurer que les visas ont été préalablement convertis en un titre de séjour temporaire demandé en ligne, sur une plate-forme créée par l’AIMA, spécialement à cet effet. Seul le titre de séjour temporaire pourra éventuellement être considéré comme un « titre de séjour valable » au regard des règles communautaires.
Comme on le sait, le régime de détachement dans l’Union européenne, Espace économique européen, Suisse exige que le travailleur détaché ait la nationalité d’un État membre ou qu’il soit ressortissant d’un pays tiers qu’il ait un titre de séjour en cours de validité.
La question est de savoir si cette définition du « titre de séjour valide » sera la même que celle du règlement Schengen, ce qui fait l’objet d’un débat. Si tel est le cas, le titre de séjour CPLP ne sera pas considéré comme un titre valable aux fins du détachement.
Étant donné que le travailleur originaire d’un pays de la CPLP, ayant un titre de séjour au Portugal en vertu de l’accord CPLP, et lié par un contrat de travail temporaire à une entreprise portugaise, pourrait être détaché en France, étant donné que son lien (contrat de travail) avec le Portugal reste en vigueur et prévaut.
Il convient de souligner que le visa doit rester valable pendant toute la durée du détachement apposé sur le DP A1.
En cas de cessation du contrat de travail temporaire, le travailleur ne peut rester en France car il n’a pas de titre de séjour ou de visa valable pour séjourner dans un autre pays que le Portugal.
En conclusion :
Le travailleur originaire d’un pays de la CPLP, ayant un titre de séjour au Portugal en vertu de l’accord CPLP, et étant lié, par un contrat de travail temporaire, à une entreprise portugaise, peut être détaché en France, puisque le lien (contrat de travail) avec le Portugal reste en vigueur et prévaut.
Les employeurs et les travailleurs doivent être conscients des spécificités du détachement en France au titre de l’accord de mobilité CPLP, en particulier de l’importance de maintenir le contrat de travail portugais en vigueur, et de veiller à ce que tous les documents soient conformes aux exigences tant portugaises que françaises.